Son métier n'est pas toujours celui qu'on met en avant, elle travaille parfois dans l'ombre mais c'est pourtant celle qui analyse et met en lumière les qualités d'une peau, la puissance d'un regard, souligne la personnalité d'une femme avec ses pinceaux, ses poudres magiques et ses mains douces. Pour moi, c'est celle qui a une relation toute particulière avec le modèle, celle qui va partager le plus de temps avec elle, proche d'elle, celle qui va la dorloter, du matin au soir, s'assurer qu'elle se sente bien, celle qui va le plus échanger avec elle, celle qui écoute les demandes du client et du photographe, celle qui propose et celle qui veille, toute la journée, à ce qu'une mèche ne cache pas le bijou, à ce qu'une veine ou une rougeur ne se fasse pas trop présente, à ce que la peau reste hydratée, celle dont l'attention n'est jamais défaillante, celle qui veille...
Elle est maquilleuse. 
Elle est présente sur chacun des shootings que je fais avec Lisa Raio.
Parmi les make up que Malory a réalisés, mes préférés sont sans conteste ceux réalisés pour la collection LAVEZZI en 2021, avec le modèle et danseuse Suzanne Meyer.
Découvrez Malory Simon, maquilleuse pour qui l'art et l'inspiration sont partout, tout le temps.
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LA PREMIÈRE ÉTINCELLE POUR LE MAQUILLAGE / 

À la question qui suis-je? Aux enfants qui ont des parents à l’âme aventurière, je serais tentée de dire que j’ai grandi avec un globe entre les mains (rire)! Le titre « pas d’ici » de la très talentueuse Ehla résume avec brio ce qui pourrait s’apparenter à mon petit odyssée.
Mais au delà de toute question géographique, j’ai grandi avec une boîte de bonbons à la sève de sapin et des tomates gorgées de soleil. 
Pour ce qui est de ma rencontre avec le maquillage, mon premier souvenir a eu lieu l’été de mes 8ans, les rayons aoûtien de fin de journée, la salle de bain baignée de cette lumière méditerranéenne que j’affectionne tant... moi, postée dans l’entrebâillement de la porte, observant ma mère et ma tante chantonnantes, se sourire, s’apprêter, se conseiller, s’amuser, se maquiller, se coiffer. C’était si beau que je suis restée hypnotisée face à ces deux femmes...Adolescente, au gala de danse de fin d’année j’avoue sans mal, que j’étais plus enthousiasmée par l’idée de maquiller mes camarades que de faire des prouesses sur scène. Des années plus tard, fraichement installée à Paris, ma soeur à qui la passion familiale pour la photographie n’a pas échappé, a retrouvé un cliché sépia de ma petite personne à l’âge de 3 ans en train d’appliquer un rouge à lèvre tube à ma grand mère, alors peut-être est-ce à ce moment finalement que le déclic a eu lieu? Après en toute honnêteté, découvrant la photographie et par ricochet le travail d’acteur pionnier comme Linda Cantello, Fred Farrugia, Serges Lutens, Terry de Gunzburg, Peter Phillips, Lucia Pica, et plus tard Isamaya Ffrench... cela a fini par stabiliser la petite flamme naissante en moi.

UN PARCOURS UNIQUE - DES BELLES RENCONTRES 

J’ai eu la chance, adolescente, d’être sous l’aile de l’artiste plasticienne Isabelle Gouzy Agnel, et à force de discussion, de réflexion et de recherche, j’ai compris que faire de l’autre une toile de fond me demanderait humilité. J’adorais le caractère éphémère de l’exercice, il m’était essentiel qu’au bout du compte l’autre s’appartienne toujours, le maquillage n’est qu’une expression, la vérité d’un instant, le maquillage c’est un possible et il n’a pas vocation à être autre chose.

(L'atelier d'Isabelle Gouzy Agnel)

Cette discipline ne s’exerçant pas sans son ensemble, et pour cause ça fait longtemps que je n’ai plus assez de doigts pour dire le nombre d’êtres talentueux, aux beautés énigmatiques et intelligents avec qui j’ai eu l’honneur de collaborer; point essentiel pour les petits électrons libres de ma trempe la possibilité de toujours apprendre, découvrir et donc s’émerveiller; et puis la créativité, la matière, les pigments, la lumière autant d’éléments qui pour moi font sens.

En bref, si une jeune personne cherchant son orientation me demandait une définition du métier de maquilleur, je dirais que c’est la sublimation de plusieurs corps de métier. Evidemment, il serait de bon ton d’évoquer l’esthétisme, la cosmétologie, la morphologie et la dermatologie; mais à mon sens, il y a en premier lieu la dimension du métier de tanneur, le travail de la peau - la gymnastique du regard, il est essentiel d’apprendre à toucher « la matière » avec les yeux. Au fil du temps, il y a quelque chose de l’ordre du chef d’orchestre, le set de travail du maquilleur et à l’autre ces musiciens accompagnés de leurs instruments, la maîtrise du geste. Et pour finir, il y a les étoiles qui vouent leur vie a retranscrire le parfait équilibre, ceux là sont rares. Enfin, d’après moi, on ne s’aventure dans cette course de fond sans avoir pleinement conscience de ces trois dimensions.

           

            

            

 ( Chaque détail compte pour qu'un shooting soit réussi. Il n'y a pas de bon shooting sans qu'une équipe travaille en harmonie les unes avec les autres. Souvenirs d'un shooting merveilleux en juillet pour la collection Envol ).

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Mes premiers pas... du moins les plus significatifs? Comme encore dernièrement, c’est tous ceux où rien n’est acquis, où je sors potentiellement d’une certaine zone de confort, où les codes me filent encore entre les doigts.
Là où beaucoup voient l’échec, je vois l’occasion d’apprendre, de grandir encore un peu, et surtout, si besoin, de me remettre en question.

Et pour cela un éternel merci à Catherine Picault-Lecardinal, cheffe d’atelier à l’Opéra Bastille: elle m’a offert au Noël de mes 20 ans un mois de stage, un mois de feu d’artifice de talents divers et variés, un mois à découvrir tout un monde et une philosophie de vie. Et plus généralement, mes mentors, mes grands frères et grandes soeurs du métier Francois Regaudie, Laura Gaudou, Nina Olivet, Monica Bibalou, Laura Merle, Jean- Charles Perrier.

MALORY STYLE /

   

      

L'ART /

L’inspiration? Partout, absolument partout et puis parce qu’on m’a enseigné qu’il fallait visiter le passé pour transcender le présent, l’histoire et ceux qui ont fait nos métiers. Mais quand je dis partout, c’est aussi sortir d’un shooting et prendre les transport avec le coiffeur Yann Deschaux, et à peine assis sur les strapontins s’émerveiller ensemble de cette lycéenne qui a choisi de faire un blush pochoir en forme de coeur et en son centre déposer quelques paillettes libres, être ébahie par cette jeunesse créative et imaginative ou prendre un train gare de l’Est, et cet homme d’une cinquantaine d’année que je n’oublierai jamais, la peau ébène et ce khôl bleu turquoise en ras de cil inférieur... évidemment je me suis retournée sur lui, j’aurais pu le contempler pendant des heures si je n’avais pas eu à courir après un train, sa fantaisie en disait long à mes yeux du génie et de la maîtrise de l’emploi des couleurs de cet homme. Bref partout, absolument partout! Et plus encore quand Darius Salimi, photographe, m’envoie des visuels de pierres et cristaux; et me challenge en me disant « Ça te dit qu’on retranscrive mes natures mortes en makeup? » 

Si j’étais une table de chevet, j’abriterai « King kong théorie » de Virginie Despentes. Sinon « Le petit prince » de Saint Exupéry, « L’existentialisme est un humanisme » de Sartre, « Lorsque j’étais une oeuvre d’art » d’Eric Emmanuel Schmitt, « 7 » de Tristan Garcia, « Les dieux voyagent toujours incognito » de Laurent Goumelle, « L’amour dans la vie des gens » de Sophie Fontanel et bien sûr « Le plus beau métier du monde » de Guilia Mensitieri. 

Dans mes oreilles, se jouent éternellement Michel Berger et à jamais Starmania. Mon obsession du moment qui me fait voyager en chaque instant, c’est « Bahia » d’Ana Carla Maza; après au rayon de mes éternels contemporains Nirvana, No Doubt, PinkFloyd, Iam, Chet Faker, Nicolas Jaar, Baauer. Je profite également de cette tribune pour dire que je cherche activement le contact de l’agent de Khatia Buniatishvili, car son concerto enregistré dans un bois n’est plus disponible sur les plateformes et que je ne peux pas vivre sans la magie de cette pianiste bercée par le bruit des feuilles embrassées par le vent! Et évidemment, toutes « les prières » de Barbara Pravi et « Soft and Tender » de November Ultra...

 Si j’étais un lieu culturel, j’accueillerais « le Presbytère » de Béjart. Louise Bourgeois et son oeuvre a contribué à me faire grandir, j’ai une tendresse particulière pour la période des femmes maison. J’affectionne beaucoup la poésie et la beauté du travail de Caroline Denervaud. Sans surprise, mes grands amours sont Gerhad Richter et Soulages; Egon Schiele et Tamara de Lampika que je juxtapose, car chacun dans son style révèle l’âme de son sujet, il faut indéniablement beaucoup de talent pour réussir une telle prouesse. Et pour finir dans la catégorie des pluridisciplinaires Jean Cocteau et Jean Charles de Castelbaljac. Voilà, cité c’est renoncer, mais pas question d’omettre d’inviter tout à chacun à découvrir l’univers de Tino Seghal.

 

 

("Femme maison" - Louise Bourgeois)

Au rayon du 7ème art, il faut visiter le cinéma de Sofia Coppola, l’incontournable série Twin Peaks, Maiween pour Pardonnez-moi, le bal des actrices et Polisse; Mommy de Xavier Dolan, Pillow Book de Peter Greenway et Mademoiselle de Park Chan-wook. Ah oui, biensur, américain horror storie, Sarah Paulson immense actrice...!

(Muriel Robin - "Le bal des actrices" de Maïwenn)

Coté mode, ces dernières années il y a des créateurs dont l'évolution de carrière n’en finit pas de me passionner: Simon Porte Jacquemus pour ces poétiques accents sudistes, l’emploi de la couleur et de la matière; dans un monde idéal tous mes looks seraient au minimum ponctués d’une des variations de maroquinerie pensé par le créateur du talentueux et prolifique Valette Studio, Mossi et ses ateliers Alix, Marianna Ladreyt qui ne cesse de transcender mon oeil et dont les créations m’offrent beaucoup de joie; et dernier coup de coeur pour le génie du duo Ester Manas... Après, tout, absolument tout Maria Grazia... Et bien sûr, pas question d’oublier l’incontournable Olivier Rostain!

NADJA CARLOTTI x MALORY SIMON /

Ma collaboration avec l’univers de Nadja Carlotti s’est faite par le biais de mon amie et collaboratrice d’au moins une moitié de vie, la photographe Lisa Raio. On était toutes les trois d’accord sur l’aspect artisanal, organique et végétal de la marque, entre invitation à l’évasion et la nécessité d’un atelier (la fameuse chambre à soi) qui permet à Nadia d’allier créativité et technicité.

Dès lors, tout naturellement la direction artistique des shootings s’est inscrite dans cette lecture. A l’image de la collection Lavezzi que vous avons shooté avec la modèle et danseuse Suzanne Meyer, difficile de retranscrire la magie de cette session de travail; Lisa et Suzanne dialoguaient entre pose et photographie, en même temps, elles m’insufflaient la direction du geste tandis que je peignais les jambes de Suzanne et Nadia plaçait la collection au gré des propositions, nous étions toutes sur le set photo, c’est comme si ce set avait été la sublimation de l’atelier de Nadia. Plus dernièrement, avec la dernière collection que nous avons shooter en Charente Maritime avec Clara, nous étions toutes hyper inspirées par le casting, les repérages, nous savions que nous avions tous les ingrédients qui composent la sensibilité de l’univers de Nadia et là encore, c’était un de ces moments merveilleux qu’offre nos métiers, où toute l’équipe sait qu’à chaque instant, la photographie va retranscrire l’intention recherchée...

Pour le visuel que je préfère, si il fallait en choisir un, c’est la série en noir et blanc que nous avons shooté avec la très belle Flora; j’aime cette femme avec ce khôl noir patiné qui vient soutenir son regard pour renforcer sa poésie, je la trouve sensuelle et puissante; et la peau de Flora qui est la toile de fond parfaite pour faire ressortir l’éclat de la collection Ohia! En revanche, si j’étais une pièce Nadja Carlotti, je serai Tourbillon, mais pas d’inquiétude c’est un tourbillon façon Nadja, il est fait de courbes et d’un véritable élan de liberté, alors forcément pour moi c’est un grand OUI!

WORK IN PROGRESS, L'AVENIR /

Que me souhaiter pour l'avenir? Bon, si le père noel passe par ici, une toile de Caroline Denervaud, la réédition de toute la gamme éponyme et iconique de Fred Farrugia, un voyage au Japon?
Être en studio, continuer à avoir l’honneur d’assister des grands talents, faire de beaux édito, voyager pour shooter des campagnes, rencontrer des disciplines aussi di
fférentes qu’inspirantes, continuer à évoluer dans mon métier main dans la main avec les talents avec qui j’ai la chance de collaborer depuis mes débuts; grandir, travailler et créer ensemble! Dans un futur que je veux certain, avoir un agent avec qui travailler à la meilleure version de moi-même en qualité de maquilleuse; et évidemment créer ma gamme de produits, 10 ans à laisser infuser ce projet dans ma petite tête, on ne va pas se mentir, j’ai hâte d’arriver à cette étape de vie!

Une citation? Le slogan féministe que j’emploie le plus fréquemment au gré des conversations que je partage avec les mannequins « My body, My choice », girl!

 

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